Les littoraux français face au dérèglement climatique : quels impacts pour les populations et les territoires ? Après avoir examiné les territoires ultramarins il y a un mois, zoom sur le territoire métropolitain. Comment les vulnérabilités des habitant-es des littoraux et des régions sujettes à inondations sont-elles prises en compte ?
Ce 7e numéro de la revue de presse se concentre sur la vulnérabilité du territoire français métropolitain face à la montée du niveau des océans et aux inondations. Pourquoi ? Car, la France fait partie des pays européens les plus sujets à la submersion marine, avec 1,4 million de résident-es menacé-es.
Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.
En France métropolitaine, plus de 1700 kilomètres de côtes sont impactés par l’érosion marine, équivalent à un quart des côtes. La France fait partie des pays européens les plus menacés par la submersion marine, avec la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. En chiffres : 1,4 million de résident-es, 850 000 emplois, 165 000 bâtiments, 864 communes sont menacées, selon un rapport de la Fabrique Ecologique.
L’érosion du littoral aquitain a déjà des impacts réels sur les populations : à titre d’exemple, le tristement célèbre immeuble « Le Signal » sur la plage de Soulac-sur-Mer, dont les habitant-es, souvent retraités ou familles remboursant encore des emprunts immobiliers ont été contraints de quitter l’immeuble en 2014 et se reloger à leurs frais… Ce n’est que 4 ans plus tard, en 2018, que l’Assemblée nationale a voté l’indemnistation des 75 copropriétaires, à hauteur de 7 millions d’euros. Et les risques liés à l’élévation du niveau de la mer et aux catastrophes naturelles se font de plus en plus présents, pour preuve les récentes rafales de vent sur la Gironde.
À l’occasion du G7 à Biarritz en août 2019, 30 scientifiques ont réalisé une synthèse des recherches menées en région sur l’impact du changement climatique vis-à-vis des risques littoraux pour le compte de la région Nouvelle-Aquitaine. Ils font le constat que les défis liés aux risques physiques, aux mesures et aux stratégies d’adaptation en zones côtières sont au cœur des préoccupations scientifiques et politiques. Une autre étude, « Acclima Terra« , met également en exergue les conséquences du dérèglement climatique dans la région : élévation du niveau de la mer, multiplication des épisodes météorologiques extrêmes comme les tempêtes et les périodes de sécheresse.
Par conséquent, la région s’organise : ainsi, le 7 novembre, un exercice de grande ampleur était organisé dans le cadre du plan POLMAR pour former les agents des collectivités locales en cas de pollution marine. Une prise de conscience présente également au sein de la majorité : mandaté par le Premier Ministre, le député de Vendée Stéphane Buchou a remis son rapport sur la nécessaire adaptation des littoraux français au recul côtier, un phénomène aggravé par le changement climatique. Il devrait donner lieu à une loi très attendue par les élus locaux.
De manière similaire, l’élévation du niveau des mers aura des impacts sur la région méditerranéenne. Certaines villes comme Palavas-Les-Flots pouraient bien se retrouver les pieds dans l’eau. Pour Hervé Legoff, océanographe au CNRS, les « répercussions seront bien plus vastes qu’on ne peut l’imaginer ». Toujours dans le sud, en Occitanie, le Conseil Economique Social et Environnemental Régional Occitanie a fait une estimation des dommages causés par l’hypothèse d’une montée des eaux de 1 mètre, comme prévu par le GIEC. Des chiffres peu rassurants : « 11500 hectares agricoles perdus équivalant à 27 millions d’euros de perte, 34000 logements abritant 77000 habitants, 4600 entreprises impactées pour un montant de 52 millions d’euros, et 500 millions d’euros de dégâts pour les plages et les dunes ».
Outre les impacts sur les populations, la biodiversité pâti aussi du manque d’action contre le changement climatique. En Corse, la biodiversité sous-marine est changeante et certaines espèces sont menacées de disparition. C’est le cas de l’herbier de posidonie qui est pourtant indispensable à la capture du dioxyde de carbone et donc à la lutte contre le changement climatique.
D’après une enquête réalisée par Germanwatch, une association allemande, la France se classe au 15e rang des 183 pays les plus à risque face au dérèglement climatique. Les inondations, comme les canicules et les tempêtes seront de plus en plus fréquentes. Et ces phénomènes se répètent : la décennie 2010 a connu de nombreux épisodes meurtriers. On pense notamment aux tempêtes Klaus et Xynthia, à l’ouragan Irma ou encore aux nombreuses inondations dans le sud de la France, de l’Aude au Var en passant par le Gard. La science a d’ailleurs confirmé le lien entre le changement climatique et les pluies extrêmes, en précisant que la préparation des infrastructures à ces événements doit être immédiate.
En octobre 2018, de graves inondations ont frappé l’Aude, faisant de multiples victimes, dont 15 morts, plus de 70 blessé-es et 27000 sinistré-es. Un peu plus d’un an après, les victimes sont toujours traumatisées par ces 6 mois de précipitations tombées en seulement trois heures. A Bize-Minervois, la catastrophe a provoqué une vague d’anxiété face à ces épisodes qui s’accentuent. Et le manque d’action ne fait qu’empirer la situation : dans une étude parue dans Climatic Change en 2018, les chercheurs affirment que l’augmentation de volume des pluies intenses pourrait dépasser 20% à l’horizon 2100. En plus de ce traumatisme, les habitant-es de l’Aude ont également dû faire face à un phénomène de pollution grave car les inondations ont provoqué des coulées d’arsenic, un “Tchernobyl chimique” dénonce un ancien chercheur du CNRS.
Quant à la gestion et la préparation de cet épisode extrême, de multiples faiblesses ont été pointées du doigt. Le résultat de ce manque d’anticipation ? Des dégradations à un coût total de 220 millions d’euros environ. Et un an après les inondations, les “compagnies d’assurance adressent des courriers où la hausse de la sinistralité est avancée pour justifier ces fins ou modifications de contrats”, une double peine pour les assurés.
Des inondations meurtrières qui ont refait parler d’elles fin novembre dans le Var. Cette fois-ci, plus qu’une catastrophe naturelle, la bétonisation incontrôlée des terres et le manque d’entretiens des cours d’eau sont en cause. Face aux risques d’inondations, le gouvernement a annoncé la volonté d’une prise en charge plus importante de l’Etat dans les travaux de réduction des risques. Des initiatives en aval de la catastrophe, n’empêchant pas les catastrophes en amont… Les crues de l’Argens sont pourtant connues depuis très longtemps. Chaque année depuis 2010, ce fleuve côtier fait des siennes, demandant qu’on lui rende le terrain conquis par le développement urbain, les zones d’activités commerciales et le tourisme. Pour l’INSEE, cette zone abrite 24 % de logements de plus en moyenne par km² que dans les zones non dangereuses. Cette artificialisation massive des sols ne fait qu’empirer les risques.
En Corse aussi, la dangerosité des zones inondables inquiète. Mais les intempéries dévastatrices de la fin d’année 2018 ont donné des idées. Notamment à une architecte qui réfléchit à de nouveaux modes de construction des habitations. Elle affirme qu’il faut “modifier nos comportements et notre façon de penser et d’occuper l’espace”, par exemple avec des constructions sur pilotis.
Les îles sont, du fait de leur géographie et de leur isolement, en première ligne face au changement climatique. Les îles françaises ne font pas figure d’exception. Même si l’on pense plus spontanément aux territoires insulaires d’Outre-mer, les territoires insulaires métropolitains sont aussi impactés.
En France, la pointe de Gatseau sur l’île d’Oléron est la plage où l’érosion est la plus forte en Europe. D’après le schéma de cohérence territorial du pays Marennes Oléron, localement la température moyenne a augmenté de 1°C depuis les années 1960 et le niveau marin a augmenté de 20 centimètres au cours du XXème siècle. La mer grignote de 10 à 11 mètres de dune en moyenne par an. Si cette érosion n’est pas une conséquence directe du changement climatique – mais le fait d’interactions entre la côte et l’embouchure – elle pourrait être aggravée par l’élévation du niveau de la mer.
Les impacts liés à ces phénomènes se font déjà ressentir. C’est le cas de Jean-François Périgné. Il est mytiliculteur sur l’île. La montée des eaux, l’acidification des océans et les événements climatiques extrêmes de plus en plus récurrents entraînent une diminution de ses récoltes depuis plusieurs années et son lieu de vie est menacé par la montée des eaux. Face à ces préjudices, il a décidé de soutenir l’Affaire du Siècle il y a un an, pour défendre son île, son activité, sa maison…
Une initiative essentielle face au manque d’action face à l’urgence. Une urgence une nouvelle fois exposée dans un récent rapport du GIEC qui alerte sur les impacts du réchauffement climatique sur l’océan et la cryosphère, indiquant que le niveau des mers et océans augmente deux fois plus vite qu’au XXème siècle et pourrait croître jusqu’à 1,10m à la fin du XXIème siècle. Les conséquences seraient évidemment désastreuses. Pour exemple, l’île de Ré serait coupée en deux, submergée par l’océan, quand la Camargue disparaîtrait purement et simplement.
D’ailleurs, et ce n’est malheureusement plus un scoop, la Camargue est menacée par la montée des eaux, un des effets du changement climatique en France. Les digues construites dans la région dès le Moyen-Age coûtent 1,5 million d’euros par an. Pour le directeur du centre de recherche La Tour du Valat, il existe une alternative : laisser la mer gagner du terrain, créer une zone tampon et alléger la pression sur les zones plus sensibles. Il l’admet, il faudra accepter de perdre du territoire, des villages et des villes entières. Si la disparition de villes entières est largement documentée dans le monde, comme pour la ville de Jakarta, la situation l’est moins sur le territoire français.
Petit à petit, la Camargue est devenue une zone tampon face à la montée des eaux, dans laquelle des zones humides ont été restaurées. Des écosystèmes en bonne santé permettent d’accroître la résilience aux effets du changement climatique et de réduire les risques de catastrophes naturelles. L’enjeu est le suivant : “utiliser la capacité des zones humides à stocker temporairement l’eau de mer durant les événements de crues”.
Le Marais poitevin, deuxième zone humide la plus importante de France après la Camargue, est lui aussi menacé. Pour Eric Chaumillon, chercheur au CNRS, avec une altitude maximale de 5 mètres au-dessus du niveau de la mer sur toute la zone et une estimation d’une élévation des eaux de 30cm à 1 mètre, la région est une des plus vulnérables à l’élévation du niveau de la mer en France. Après la catastrophe de la tempête Xynthia, près de 1000 habitations en zone inondable ont été détruites par l’Etat. Comme pour la Camargue, le chercheur est en faveur de la création de zones tampons entre la mer et les habitations, pour protéger une partie de la zone.