L’appel du Haut conseil pour le climat, dans son rapport de juin dernier « Agir en cohérence avec les ambitions », est sans équivoque : une transformation en profondeur de notre économie et de notre société doit être actionnée afin d’atteindre l’objectif ultime de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Or, la cadence poursuivie est bien trop lente…
Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, en ce qu’il vient actualiser les objectifs de la politique énergétique de la France, au regard du Plan Climat de 2017 et de deux instruments réglementaires : la Stratégie nationale bas-carbone(SNBC2) pour 2019-2033¹ , et la Programmation pluriannuelle de l’énergie(PPE) pour 2019-2028² , échappe-t-il à ce constat ? Autrement dit, ledit projet de loi permet-il vraiment de façonner une loi pour le climat et la transition énergétique ?
Il est désormais inscrit que la politique énergétique française vise clairement à répondre à l’urgence écologique et climatique. Mesure qui reste toutefois très symbolique.
A l’initiative des parlementaires, a été prévue l’élaboration d’une loi quinquennale déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Par cette disposition, le Parlement souhaite replacer son rôle au cœur de l’action : il ne vient plus seulement entériner les évolutions de la politique énergétique prédéterminées par décret, mais devient compétent pour fixer lui-même les objectifs de celle-ci :
👉 La neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six.
Alors que la SNBC2 cherche à atteindre la neutralité carbone sans recourir à la compensation carbone via des crédits carbone³ , une telle précision n’a pas été faite dans ledit projet de loi, pourtant préconisée par le Haut conseil pour le climat, soulevant dès lors des questions quant à la faisabilité et à la mise en pratique de cet objectif.
👉 La réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40% d’ici 2030, en spécifiant qu’il est mis fin en priorité aux énergies fossiles les plus émettrices de gaz à effet de serre.
La Commission européenne recommandait le 18 juin 2019 que doivent être énumérées les subventions à l’énergie, notamment en ce qui concerne les combustibles fossiles, ainsi que les actions entreprises et les projets en vue de les supprimer progressivement. Car comme le relève le Haut conseil pour le climat : « en 2017, les investissements fossiles défavorables au climat représentaient environ 75 milliards d’euros, soit près de deux fois le montant des investissements favorables au climat ». Or, aucune mention n’est faite à propos de ces financements ni même des moyens mis en œuvre afin de réduire les énergies fossiles dans le projet de loi énergie-climat…
👉 L’augmentation de la part des énergies renouvelables à 33% au moins de la consommation finale brute en 2030. Cette loi vise à développer la production de l’énergie hydraulique notamment la petite hydroélectricité et la production d’électricité issue d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées en mer dans le but d’atteindre au moins 1 giga-watt par an d’ici 2024. Il s’agit également de développer l’hydrogène bas carbone voire renouvelable ainsi que ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, afin d’atteindre entre 20 et 40% des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel d’ici 2030.
Le Parlement rehausse cet objectif à 33% au lieu de 32%, comme le suggérait la Commission européenne, et « favorise » la promotion de certains types d’énergies renouvelables.
👉 Le report de réduire la part du nucléaire à 50% dans la production d’électricité à 2035 au lieu de 2025.
Fortement décrié par les ONG Réseau Action Climatet Réseau Sortir du nucléaire, l’âge moyen du parc nucléaire français aura alors atteint à cette date 49 ans, ce qui soulève de sérieuses interrogations quant à la sécurité et à la sûreté.
Quels autres changements ?
Du fait de la fermeture des centrales à charbon d’ici 2022:
Le gouvernement est habilité à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures visant à favoriser le reclassement des salariés sur un emploi durable, en priorité dans le bassin d’emploi concerné, en tenant compte de leur statut, lesquelles doivent prévoir également des dispositifs adéquats de formation permettant de faciliter la mise en œuvre des projets professionnels des salariés concernés.
Du fait de la fermeture des 14 réacteurs nucléaires concernés en vue de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix énergétique d’ici 2035:
Tout comme pour la fermeture des centrales à charbon, il est prévu d’inclure dans le plan stratégique élaboré par les exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité des dispositifs d’accompagnement mis en place pour les salariés dont l’emploi serait supprimé ; les exploitants étant soumis à une obligation de rendre compte de la mise en œuvre des dits dispositifs d’accompagnement chaque année, devant les commissions permanentes compétentes du Parlement.
En définitive, si le projet de loi énergie-climat a été amélioré, celui-ci comporte encore de nombreuses zones d’ombre, ainsi qu’une ambition relativement faible, loin d’être tolérables en temps d’urgence écologique et climatique.
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¹ La SNBC définit des plafonds nationaux d’émissions de gaz à effet de serre à court et moyen termes, dits « budgets carbone ».
² La PPE fixe les priorités d’action du gouvernement en matière d’énergie pour la métropole continentale et les zones non-interconnectées, sur une échelle de dix ans, divisée en deux périodes de cinq ans.
³ « Un émetteur de gaz à effet de serre peut compenser ses émissions en acquérant des « crédits carbone » générés par des projets permettant d’éviter les émissions ou de séquestrer du carbone » : définition issue du rapport du Haut conseil pour le climat, Agir en cohérence avec les ambitions, p. 25.
⁴ I4CE, Panorama des financements climat, Edition 2018, p. 10.