Cher membre du Parlement européen,
Nous vous écrivons au nom de tous les Européen-nes touché-es par le changement climatique. Nous sommes des agriculteurs, des bergers, des forestiers, des propriétaires d’hôtels et de restaurants et les représentants de la jeunesse autochtone Sami de Suède, du Portugal, de France, d’Italie, d’Allemagne et de Roumanie, unis dans notre vulnérabilité face au changement climatique.
La peur et l’espoir. Ces sentiments contradictoires sont constamment présents lorsque nous pensons à l’avenir, et nous ont donné la force de faire quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant. Pour protéger notre vie et notre avenir, nous avons décidé de nous battre pour nos droits fondamentaux.
Je m’appelle Sanna Vannar, et je suis une éleveuse de rennes autochtone Sami, du côté suédois. L’élevage de rennes est au centre de notre culture. Ma famille et d’autres communautés samis d’éleveurs de rennes perdent de nombreux rennes à cause des changements climatiques imprévisibles, qui entraînent de plus en plus de feux de forêt, de sécheresses et de pluies sur la neige dans le cercle arctique. Nous, le peuple Sami, comptons sur nos traditions, nos connaissances et nos pratiques autochtones, qui sont aujourd’hui toutes menacées par la crise climatique. Il ne s’agit pas d’un événement isolé, les changements spectaculaires dans la région arctique influenceront les conditions météorologiques dans toute l’Europe et ailleurs.
En Allemagne, nous, les Recktenwald, vivons depuis quatre générations sur l’île de Langeoog, en mer du Nord. Notre famille a construit une entreprise d’hôtellerie et de restauration à partir de rien. Nos biens et notre entreprise sont menacés par l’élévation du niveau de la mer, les tempêtes, l’érosion des dunes et la pollution de notre eau potable par l’eau de mer, qui se produira bientôt. Au Portugal, en France et en Italie, nous, Alfredo Sendim, Ildebrando Conceição, Armando Carvalho et Joaquim Caixeiro, Maurice Feschet, Giorgio Elter et nos familles sont agriculteurs et apiculteurs. Nous sommes continuellement confrontés à un climat de plus en plus irrégulier et instable. L’augmentation des températures et les sécheresses rendent très difficile la poursuite de nos activités agricoles.
Dans les Carpates roumaines, nous, la famille Vlad, risquons de perdre notre ferme et notre bétail en raison de l’augmentation des températures, des sécheresses et du manque d’eau dans notre région. Nous avons déplacé les animaux de plus en plus haut dans les montagnes pour obtenir une végétation plus humide, mais nous ne pouvons plus aller plus haut. Nous avons atteint le sommet.
En mai 2018, avec nos enfants et l’association Saminuorra, nous avons intenté une action en justice contre l’UE pour l’insuffisance de son objectif climatique à l’horizon 2030. Dans le même temps, la Commission européenne a publié son analyse d’impact qui préconise une réduction d’au moins 55 % des émissions de GES d’ici 2030 (même en incluant les absorptions, ce qui se traduirait par une réduction globale plus faible des émissions), un pas dans la bonne direction, mais loin d’être suffisant si nous voulons être en conformité avec l’Accord de Paris et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. L’UE a un devoir d’attention et de protection envers ses citoyens et doit protéger leurs droits à la vie, à la santé, au travail et à la propriété. Tout en préparant notre dossier juridique, nous avons travaillé avec des scientifiques qui ont prouvé que l’UE peut faire beaucoup plus que son objectif actuel de réduction des émissions de 40 %. Aujourd’hui, sur la base des données scientifiques les plus récentes, l’UE devrait parvenir à une réduction d’au moins 65 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Dans notre cas, nous avons uni nos forces à celles de deux courageuses familles plaignantes extra-européennes : la famille Guyo du nord du Kenya et la famille Qaloibau de l’île de Vanua Levu aux Fidji. Elles ont rejoint notre quête de justice climatique pour rappeler aux tribunaux que les politiques de l’UE ont des conséquences non seulement pour l’Europe mais aussi en dehors des frontières européennes.
Depuis plus de deux ans, nous attendons d’être entendus par les tribunaux de l’UE pour savoir si les citoyen-nes touché-es par la crise climatique peuvent contester l’UE pour son faible objectif climatique. Alors que la procédure juridique est en cours, nous voulons vous rappeler, à vous nos représentants élus, que vous avez le devoir historique de renforcer votre ambition climatique sans avoir besoin d’une décision de justice.
Le 6 octobre, en tant que membres du Parlement européen, vous avez l’occasion de vous exprimer sur ces deux points lors de votre vote sur la loi européenne sur le climat. Nous vous invitons à vous aligner sur la science et sur l’appel de Jytte Guteland en faveur d’une ambition accrue de réduction des émissions de 65% d’ici 2030, ainsi qu’à soutenir l’accès des citoyens à la justice. Il est temps pour vous de prendre position contre le changement climatique et d’être du bon côté de l’histoire.
Avec nos salutations distinguées,
Signataires de la lettre – Plaignant-es du People’s Climate Case :
- Sanna Vannar, présidente de l’association Sáminuorra, Suède (représentante des jeunes Samis)
- Maurice and Renaud Feschet, agriculteurs, France
- RobanWako Guyo Guyo and Dima, éleveurs, Kenya
- Maike and Michael Recktenwald, propriétaires d’un hôtel-restaurant, Allemagne
- Vlad Petru, berger, Roumanie
- Armando Carvalho, garde forestier, Portugal
- Alfredo Sendim, agriculteur, Portugal
- Ildebrando Conceição, apiculteur, Portugal
- Joaquim Caixeiro, agriculteur, Portugal
- Giorgio Elter, agriculteur et propriétaire d’un hôtel, Italie