Notre lettre à l’Etat français

Le 3 novembre dernier, nous lancions notre campagne pour vraiment faire de la France le pays leader du climat. Nous rendons aujourd’hui publique notre lettre à l’Etat français.  

A Monsieur le Président de la République,

Emmanuel Macron

A Monsieur le Premier Ministre,

Edouard Philippe

A Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire,

Nicolas Hulot

Objet de la demande : Changer notre droit pour faire de la France le pays leader du climat

Monsieur le Président de la République,

Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire,

Nous soumettons à votre haute bienveillance différentes propositions pour que l’Etat français devienne un pays leader de la lutte contre le changement climatique.

En tant que pays développé, la France a une responsabilité toute particulière dans la catastrophe climatique en cours. Au regard de cette responsabilité, mais aussi et surtout des engagements pris par la France avec l’Accord de Paris, notre pays devrait être à la fois à la pointe des politiques de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et exemplaire quant au respect de ses engagements internationaux en la matière. Nous saluons la prise de position ambitieuse de la France pour défendre l’accord de Paris, qui doit à présent être suivie de politiques à la hauteur de ces déclarations afin d’impulser une dynamique de changement pour défendre l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5°C.

Toutefois, nous pensons que le droit français actuel est inadapté à l’urgence climatique. Preuve en est : les émissions importées n’ont cessé d’augmenter depuis vingt ans, rendant notre bilan global négatif, tandis que le récent avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi visant à interdire les hydrocarbures a souligné l’importance de conjuguer le respect des intérêts économiques et la protection de l’environnement, là où des milliers de scientifiques nous interpellent sur le peu de temps qu’il nous reste pour agir.

Cette situation est un facteur d’injustice au regard des lourdes menaces que fait peser le réchauffement climatique sur l’existence de nombreuses populations, y compris de nombreux citoyens français. Les incendies de l’été en Provence et les ouragans du mois de septembre dans les Caraïbes ont ainsi rappelé avec force que les citoyen-ne-s français-es ne seront pas épargné-e-s par les conséquences du réchauffement climatique.

C’est à vous, Monsieur le Président, Messieurs les Ministres, qu’incombe la lourde responsabilité de réduire au maximum les risques que fait peser le réchauffement climatique sur la population française. Ne pas agir ni changer le droit maintenant vous exposera dans le futur à des poursuites judiciaires : lorsque des victimes françaises de catastrophes climatiques viendront engager votre responsabilité à la fois sur les plans administratif, civil et pénal.

L’Association Notre Affaire À Tous, composée de nombreux juristes et citoyens, insérée dans un réseau mondial pour la justice climatique et la responsabilité des Etats vis-à-vis du changement climatique, vous adresse ainsi ces cinq premières propositions, que nous vous invitons à mettre en oeuvre dans les plus proches délais :

1/ Inscrire le climat dans la Constitution :

Aujourd’hui, les intérêts économiques priment encore sur l’intérêt général et empêchent la mise en oeuvre d’un droit protecteur du climat et des humains. Inscrire le climat dans la Constitution permettrait de rendre contraignants les objectifs de l’Accord de Paris et ferait primer l’humain et l’environnement sur les intérêts économiques.

2/ Reconnaître le changement climatique comme un crime d’écocide :

Le changement climatique conduit la planète vers un changement irréversible de la biosphère. Or 100 firmes sont responsables à elles seules de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988, en toute connaissance du changement climatique et ce sans craindre de sanctions légales. L’inclusion du changement climatique dans la catégorie du crime d’écocide permettrait de répondre à ce manque afin de prévenir, sanctionner et réparer les atteintes majeures portées au climat.

3/ Permettre aux citoyen-nes de défendre le climat en justice :

Le climat se réchauffe et fait déjà des victimes, avant tout parmi les plus vulnérables. Pourtant, aucun mécanisme ne leur permet aujourd’hui de défendre leurs droits, de garantir l’application de l’Accord de Paris, ni même de dénoncer les responsables, que ce soient des personnes privées (entreprises, gestionnaires de fonds ou associations) ou des personnes publiques (Etats, collectivités, institutions internationales…). Nous vous demandons de permettre aux citoyen-nes de défendre le climat en justice.

4/ Réduire réellement nos émissions de gaz à effet de serre :

La France a un objectif de réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990 d’ici 2040. Or entre 1995 et 2015, les émissions de CO2 de la France ont augmenté en prenant en compte les émissions de CO2 issues de nos importations. Le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour réduire les émissions importées.

5/ Réguler l’activité des multinationales et sortir la finance des énergies fossiles :

La régulation légale et fiscale des acteurs économiques et financiers demeure insuffisante pour contraindre et orienter l’activité du secteur privé. Certaines entreprises, malgré l’incompatibilité inhérente de leur activité avec les objectifs affichés par la France, sont soutenues par l’Etat via l’exonération d’impôts et l’octroi de subventions. C’est notamment le cas du secteur des énergies fossiles qui bénéficie de 112 milliards d’euros de subventions à l’échelle européenne qui engagent les fonds publics.

Nous avons porté ces propositions à la connaissance du grand public en lançant une campagne et en publiant cette tribune dans Libération : http://www.liberation.fr/debats/2017/11/03/pour-faire-de-la-france-le-pays-leader-du-climat_1607688. Dans le cas où vous vous engageriez à les mettre en œuvre dans les trois mois à venir, nous sommes prêts à y travailler avec vous et à vous fournir de nouvelles propositions. Le climat n’attend pas.

Nous vous prions de croire Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire, en l’assurance de notre considération très distinguée.

A Paris,

Les membres de l’association notre Affaire à Tous,

Représentée par sa présidente, Marie TOUSSAINT

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